L'achat d'un terrain à bâtir est une opération plus compliquée qu'il n'y paraît : taxes, constructibilité, raccordements, voie d'accès... Des problèmes auxquels on ne pense pas toujours et qui peuvent transformer le rêve en cauchemar. Le point de vue d'un notaire.

Fabrice Chartrelle est notaire à Rouen. Il est souvent confronté au travers de son travail à des situations problématiques survenant lors de l'achat d'un terrain par des particuliers pas toujours bien renseignés. Le problème qu'il retrouve le plus souvent est celui de la fiscalité de l'opération.
En effet, si l'acquisition d'un terrain à bâtir s'effectue entre particuliers, l'opération relève du régime des droits d'enregistrement alors que si l'acquisition est effectuée par une SCI (Société Civile Immobilière), l'opération est effectuée sous le régime de la TVA ; soit 4,8% du prix dans le cadre d'un droit d'enregistrement contre 19,6% pour une SCI, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Or, précise Maître Chartrelle, nombre de compromis de vente ne sont absolument pas précis sur ce point.
Dans le cas où le particulier achète en nom propre, les droits d'enregistrement s'appliquent quelle que soit la superficie du terrain et il n'est pas obligé de construire. La base de calcul correspond au prix de cession du terrain augmenté des charges à moins que l'administration fiscale estime que la valeur réelle du terrain est supérieure au prix de vente, auquel cas c'est cette dernière valeur qui sert de base de calcul. L'administration détermine cette valeur réelle en calculant la valeur moyenne au m² à partir du prix connu d'autres terrains similaires, un calcul que vous pouvez réaliser vous-même. Attention, cette valeur peut rapidement changer. "A Rouen, certains prix de terrains sont passés du simple au double en deux ans, sur certaines zones, l'augmentation peut être ahurissante", explique F. Chartrelle.
Dans le cas où c'est une SCI qui se porte acquéreur, c'est le régime de la TVA à 19,6% (sauf en Corse 8% et dans les DOM 8,5%) qui s'applique dans la limite de 2.500m² pour une maison individuelle, toute surface excédentaire étant soumise au droit d'enregistrement. Ce paiement de la TVA dispense du droit d'enregistrement mais en contrepartie d'un engagement à construire dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte, sinon ce droit d'enregistrement doit être payé en sus.
Il faut prendre en compte également le fait qu'une SCI peut obtenir ultérieurement des mesures de défiscalisation. En tout état de cause, ces problèmes de fiscalité un peu abscons ne doivent pas être sous-estimés car la différence entre 4,8% et 19,6% peut se révéler dissuasive.

Autre problème souligné par le notaire, la notion mal comprise de condition de constructibilité. En effet, le fait qu'un terrain soit constructible ne signifie pas que vous puissiez y ériger la maison de vos rêves. "Les terrains ne sont pas toujours en adéquation avec le projet, d'autant que les communes imposent de plus en plus de contraintes", explique Me Chartrelle. Ainsi, avant l'achat du terrain il est nécessaire de prendre en considération dans la détermination du prix la possibilité de réaliser ou non le projet tel qu'imaginé au départ. Le prix du terrain doit donc être également évalué en fonction des compromis architecturaux que vous êtes prêts, ou non, à faire. Un autre critère important dans le choix et l'évaluation d'un terrain est sa localisation : proche des commerces, des transports en commun, des écoles, etc…).
Enfin, s'il y a parfois des soucis concernant les limites du terrain -il faut le faire impérativement borner par un géomètre-expert - Me Chartrelle insiste sur la recherche qui doit être effectuée en amont concernant sa viabilisation et les différentes contraintes associées à ce terrain. "Le prix du terrain est fonction de sa situation mais aussi de tout ce qui s'y attache, or les gens tendent à se focaliser sur la construction et pas sur les à-côtés du terrain", déplore-t-il. Par exemple, au-delà du coup de cœur sur le petit terrain au bord d'une route départementale, il convient de vérifier, par exemple, si il est possible d'ouvrir un portail sur cette route. Si la D.D.E. (Direction Départementale de l'Equipement) indique que ce n'est pas possible, il faudra alors aménager une voie d'accès. Ce coût supplémentaire n'apparaît pas dans le prix du terrain mais y est pourtant intimement lié. "Il faut absolument que le client fasse ses devoirs, qu'il se renseigne en amont, ce n'est pas au notaire de vérifier s'il pourra ou non ouvrir son portail sur la nationale", avertit Fabrice Chartrelle.
L'assainissement et les raccordements aux réseaux, pour des terrains situés à la campagne, peuvent également se révéler onéreux rien qu'en études préalables. Il convient donc de systématiquement vérifier les assertions des vendeurs auprès des autorités compétentes : mairie, cadastre, DDE,…
Pour l'achat d'un terrain, il est donc indispensable de prendre en amont tous les renseignements nécessaires avant de s'engager. Les notaires, les architectes mais aussi les constructeurs de maisons individuelles, peuvent se révéler être de bons conseils.
Christophe Leray